La petite Yamaha est arrivée à nos bureaux à la mi-juin, pimpante et presque neuve. Avec moins de 400 km au compteur. C’est dire qu’elle n’avait pas encore eu le temps d’être maltraitée, ni de prendre de mauvais plis. C’est donc à nous qu’incombait cette tâche. Nous avions deux semaines pour ça, au cours desquelles nous avons réussi à parcourir 1 000 km à son guidon, malgré les intempéries. Car le mois de juin a été pourri aussi, au cas où vous l’auriez déjà oublié. Donc, avant d’entrer dans le vif du sujet et de commencer à décortiquer la Belle, une petite présentation s’impose.
Une moto à petit prix, mais pas une moto à rabais
La FZ6R est magnifique avec son carénage intégral élégant et ses lignes sportives, mais sobres. Elle offre une alternative économique et efficace à la FZ6 qui s'est radicalisée ces dernières années. La FZ6R est animée par un quatre cylindres en ligne quatre-temps inédit, de 600 cc, à refroidissement liquide, dérivé du moulin de la FZ6 (lui-même issu de celui de l'ancienne R6) dont elle partage l'alésage et la course (et le traitement de surface composite en céramique). Cependant, la culasse, les carters et l'embrayage sont propres à la FZ6R. Avec ses 77 ch à 10 000 tr/min et un couple modeste de 44,1 lb-pi à 8 500 tr/min elle se destine aux néophytes et à tous les motocyclistes d'expérience qui recherchent l'efficacité et le plaisir de conduite avant la puissance pure. Pour débuter sans problème, mais sans concession non plus.
La partie cycle est nouvelle. Elle se compose d’un cadre tubulaire en acier, de type diamant, dans lequel le moteur, fixé en quatre points, joue le rôle d'élément porteur. La géométrie de direction (chasse de 26 degrés, déport de 103,5 mm) est neutre et l'empattement de 1 440 mm dans la norme. Ce qui garantit un comportement sain et équilibré. Avec sa selle qui culmine à 785 mm du sol, la FZ6R est accessible au plus grand nombre. Elle fait appel à des composants éprouvés (fourche conventionnelle de 41 mm dépourvue de réglages, suspension arrière Monocross ajustable en précontrainte du ressort, double disque de frein de 298 mm avec étriers à deux pistons à l’avant et disque simple de 245 mm avec étrier simple piston à l’arrière, jantes en aluminium coulé, pneus radiaux Bridgestone BT021 cotés ZR...). L'échappement 4-2-1 avec son silencieux central situé sous le cadre, doté d'un catalyseur à trois voies avec sonde lambda, assure la conformité aux nouvelles normes antipollution. Comme vous le voyez, la petite Yamaha offre beaucoup, malgré son prix raisonnable de 8 799$. Et elle est proposée en bleu, en noir et en blanc. Que demande le peuple?
Une moto valorisante
Maintenant que les présentations sont faites, faisons plus ample connaissance avec la Bête. Beaucoup de motocyclistes sont attirés par le look et les performances des sportives pures, ce que Yamaha a bien compris. Et c’est une des raisons pour laquelle ses R6 et R1, deux supersportives à la fine pointe de la technologie, connaissent autant de succès depuis leur lancement. Pourtant, tout le monde ne peut pas, ou ne veut pas piloter une moto aussi radicale. Le style oui, mais sans la peur, ni les douleurs. Car, pour un pilote qui débute dans le motocyclisme, maîtriser une R6, voire une FZ6 Fazer, n’est pas forcément évident. Si la FZ6R a le plumage qui convient, elle n’a pas le ramage qui va avec. Son moteur adouci, dérivé de celui de la FZ6, est amputé d’une grande partie de son potentiel « bombesque » et ne développe plus « que » 77 chevaux (la FZ6 en compte 98 et la R6 plus de 127). Qu’est-ce que ça donne sur le terrain? La FZ6R ne risque-t-elle pas d’être trop assagie pour rester attrayante?
Le premier contact avec la petite Yamaha est prometteur et donne un début de réponse à la question précédente. Avec sa selle qui culmine à 785 mm (dans la moyenne de la catégorie), on l’enfourche aisément, sans contorsions, ni douleurs. Même si on est un pilote de gabarit moyen. Bien assis sur la selle amplement rembourrée (pour une sportive), on pose les deux pieds bien à plat au sol, ce qui nous met d’entrée de jeu en confiance. De plus, le siège s’ajuste sur une distance de 20 mm. Il suffit pour cela de déplacer quelques vis. L’étroitesse de la Yamaha facilite sa prise en main. En fait, son ergonomie et ses proportions sont savamment étudiées et on se sent à l’aise à son bord, que l’on soit petit ou grand. De plus, la position de conduite qui place le dos droit, légèrement incliné vers l’avant, sans appui excessif sur les poignets, peut être personnalisée. En effet, il suffit de retourner les pontets sur lesquels repose le large guidon tubulaire pour avancer ou reculer ce dernier de 20 mm. Si la différence n’est pas flagrante à l’œil, elle est néanmoins notable à l’usage. Les reposes-pieds sont positionnés assez bas pour qu’on n’ait pas les jambes exagérément repliées, ce qui est gage de confort sur les longs trajets.
L’instrumentation est simple, mais complète et fonctionnelle. On retrouve un tachymètre analogique, un compte-tour numérique, une jauge à essence, une horloge, un odomètre et deux totalisateurs partiels avec un décompte du kilométrage restant à parcourir à partir du moment où la moto passe en mode « réserve ». Autrement, l’équipement est adéquat. On regrette par contre l’absence d’une béquille centrale, d’un vrai coffre sous la selle ou d’un système de freinage ABS, des détails qui trahissent une conception qui privilégie la forme au détriment de la fonction.
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Dès les premiers tours de roue, on sent qu’on est aux commandes d’une moto sportive propulsée par un quatre-cylindres de moyenne cylindrée. Relativement creux
à bas régime, il ne se réveille vraiment que vers 4 000 tr/min, mais sans donner
de coup de pied au cul. |
Des performances intéressantes
Dès les premiers tours de roue, on sent qu’on est aux commandes d’une moto sportive propulsée par un quatre-cylindres de moyenne cylindrée. Relativement creux à bas régime, il ne se réveille vraiment que vers 4 000 tr/min, mais sans donner de coup de pied au cul. Souple, il reprend sur un filet de gaz dès le ralenti, sur les rapports intermédiaires, sans donner d’à-coups. Le couple est moyen, mais il est délivré relativement bas pour un moteur de ce type. Ce qui contribue à l’agrément de conduite de la FZ6R en ville. Il suffit de se caler sur le troisième rapport et de se laisser guider, sans avoir à se soucier du compte-tour, ni du rapport enclenché. Les accélérations sont franches, sans être impressionnantes et les reprises sont bonnes. Elles ne sont pas comparables à celles de l’impressionnante Gladius, la 650 à bicylindre en V de Suzuki, que nous avons essayée plus tôt, mais elles sont plus flatteuses que celle des Bandit 600 de première génération ou de la défunte Honda 599, par exemple. De plus, le bruit de l’admission d’air conjugué à celui de l’échappement court placé sous le moteur renvoie une sonorité flatteuse. Très bon pour l’égo.
De 4 000 à 9 000, le moteur fait preuve d’une belle santé et offre des performances décentes. Pour doubler avec autorité, il suffit de rétrograder en 5e ou en 4e, selon le régime auquel on roule, et d’ouvrir les gaz en grand. À vitesse d’autoroute, le moulin tourne un peu haut (environ 7 000 tr/min à 130 km/h) sur le dernier rapport qui n’est pas surmultiplié. On se surprend alors à chercher une 7e vitesse qui n’existe pas. Ce qui est d’autant plus gênant qu’à ce régime les vibrations sont élevées. Par ailleurs, la boîte de vitesse est douce et précise, sans faux points morts, très facile à utiliser.
Quant à l’injection, elle semble bien calibrée et n’appelle aucun commentaire. Le jeu du rouage d’entraînement est minime et on le ressent à peine lors des transitions ouverture/fermeture de l’accélérateur.
La partie cycle n’est pas en reste. En dehors de la position de conduite, qui est confortable et en parfaite adéquation avec la mission de la FZ6R, on est séduit par les prestations dynamiques de la Bête. Relativement légère (212 kg tous pleins faits, soit 5 kg de plus que la FZ6 dotée d’un cadre alu et 24 kg de plus que la sportive R6), la petite Yamaha fait preuve d’une bonne maniabilité et d’une grande vivacité. Facile à placer sur l’angle, elle négocie les épingles et autres virages serrés comme une vraie sportive. Dans les enchaînements, elle passe facilement d’un angle à l’autre d’une poussée sur le guidon tubulaire qui offre un bon effet de levier. En fait, à l’attaque, elle se pilote du regard. L’œil sélectionne la trajectoire et la roue avant suit, imperturbable. Là, c’est son héritage génétique qui s’exprime. La FZ6R n’a pas tendance à élargir la trajectoire et il n’est pas nécessaire de la brusquer pour la diriger. Neutre et vive, la petite R…
Dans les sections rapides faites de grands virages qui se prennent à fond de sixième, sans ralentir, elle reste stable et ne dévie pas de sa trajectoire. Elle ne tortille pas du popotin comme certaines motos bon marché. Malgré des réglages de suspensions relativement souples (la fourche conventionnelle à poteaux de 41 mm de diamètre est dépourvue de réglages, tandis que le mono-amortisseur est ajustable uniquement en précontrainte du ressort), elle affiche une bonne tenue de route. L’avant fait toujours preuve d’une rigueur exemplaire compte tenu des solutions techniques adoptées et la machine n’est jamais floue, ni sujette aux mouvements intempestifs (louvoiement ou guidonnage). Les suspensions offrent une performance bien adaptée à la vocation de la machine. Un compromis idéal entre sportivité et confort. Et en toute simplicité.
Puisqu’il est question de confort, il est bon de souligner que la selle qui semble ferme au premier contact ne se montre pas aussi spartiate qu’on pourrait le craindre. Lors de sorties de plusieurs centaines de kilomètres, les premières douleurs aux fessiers ne se manifestent qu’après deux ou trois heures de route. Ce qui est dans la moyenne pour des motos à vocation sportive.
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Tout le monde ne peut pas, ou ne veut pas piloter une sportive radicale.
Le style oui, mais sans la peur, ni les douleurs. Car, pour un pilote qui débute
dans le motocyclisme, maîtriser une R6, voire une FZ6 Fazer, n’est pas forcément évident.
Et c'est là que la FZ6R impose sa simplicité. |
Le carénage qui offre un volume généreux procure une bonne protection pour le buste et les jambes. La bulle est relativement basse, mais elle détourne quand même efficacement le flot d’air (une bulle plus haute est proposée en option). On ressent l’écoulement de l’air au niveau des épaules et du casque, mais la pression n’est jamais gênante et les turbulences sont réduites. Il n’en va pas de même des vibrations qu’on ressent dès les mi-régimes dans le guidon, mais surtout au niveau des reposes-pieds. Leur intensité est assez élevée pour devenir agaçante sur un long trajet. Et la situation est pire pour le passager qui ressent des fourmis dans les pieds après quelques minutes en selle seulement. Heureusement pour lui, il dispose de deux poignées latérales de maintien dotées d’un recouvrement antidérapant.
Le freinage est adéquat, malgré la simplicité des solutions techniques retenues à ce chapitre. La puissance de freinage est bonne, tout comme l’endurance. Facile à moduler, le système se montre un peu brutal dans la phase d’attaque, mais, par la suite, il suffit de tirer sur le levier pour obtenir toute la puissance disponible. La pédale n’est pas trop sensible et il faut vraiment appuyer fort pour bloquer la roue arrière. Somme toute, il fait bien son boulot, sans briller, mais sans décevoir non plus. L’écartement du levier est réglable en cinq positions, ce qui sera apprécié des propriétaires.
Enfin, au niveau de la consommation, la FZ6R est relativement économe. Durant cet essai de lus de 1 000 km, nous avons enregistré une consommation moyenne de 4,9 L/100 km, ce qui donne une autonomie théorique d’environ 347 km avec le réservoir de 17 litres. Pas mal dans les circonstances.
Un cas de conscience
Durant toute la durée de cet essai, j'ai essayé de me mettre à la place d'un néophyte. De comprendre ce qu'un pilote qui ferait ses premiers pas dans le sport aimerait de la FZ6R, les qualités qu'il chercherait à retrouver ou les défauts qu'il éviterait. Pas facile, d'autant que plusieurs aspects de sa personnalité en font une moto aboutie que nombre de motocyclistes peuvent apprécier. Son allure sportive est rassurante pour l'égo, un argument auquel les nouveaux venus sont aussi sensibles que les pilotes aguerris. De ce côté-là, pas de problème donc. Cependant, s'il est vrai que la petite Yamaha est facile à prendre en main, ses performances, même réduites par rapport à celle de la FZ6, restent sportives et elle demande un certain doigté pour être exploitée au mieux. Sa partie cycle efficace est rassurante et un motocycliste expérimenté pourrait s'amuser à son guidon lors d'une journée d'essai libre sur piste. Cependant, elle pardonne peu les approximations au niveau du pilotage. Quant à son prix, il est tout à fait rassurant pour un motocycliste débutant. À mon avis, limiter la FZ6R à cette clientèle serait une erreur. Car elle a plus à offrir et s'adresse à un éventail de motocyclistes plus large. Facile et plaisante à piloter, efficace sur un large éventail de parcours, elle saura vous convaincre au quotidien, fidèle compagne de votre passion. Et n'engendrera pas la mélancolie ni l'ennui. Néanmoins, elle commande quand même un certain respect. Il ne faut pas oublier que ses performances sont supérieures à celles des 750 sportives des années 80. En plus, elle est plus légère et plus homogène que ces dernières. Alors? Moto d'initiation au sport ou machine polyvalente pour motocyclistes qui privilégient l'efficacité au détriment du côté tape-à-l'œil? Pourquoi pas les deux? Comme les « Mini Wheats »?
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